Wednesday, January 18, 2012

L'itinérance

Pour faire un contraste avec mon récent billet où je parlais de consommation, de désir et de séduction, je dois dire que mon retour au centre-ville n'est pas sans me rappeler une toute autre réalité, très souffrante... En marchant dans les corridors souterrains qui joignent les centres d'achat, j'ai croisé plusieurs personnes qui quêtaient: des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, des blancs, des noirs et d'autres origines.

Ce qui m'a le plus saisi est quand j'ai reconnu l'un d'eux, un homme que j'avais croisé il y a quelques années dans ce même couloir qui semblait détonner avec les autres personnes qui quêtaient. En le voyant propre, les cheveux courts, et quand même adéquatement vêtu, j'avais cru qu'il en était à ses premières expériences, qu'il venait sans doute de tout perdre, que l'alcool, le jeu ou un je-ne-sais-quoi l'avait mené à cette ultime épreuve que j'espérais temporaire.

Puis, je l'avais vu et revu presque toutes les fois où je prenais ce chemin pour me rendre au bureau. Ses cheveux un peu plus longs, son approche un peu moins timide, ses vêtements un peu plus défraichis, au fur et à mesure que les semaines passaient, il semblait s'installer dans cette misère mais je rêvais secrètement qu'il se reprenne en main.

Évidemment, en quittant mon emploi pour déménager à Vancouver, j'ai cessé d'emprunter ce couloir. J'ai oublié cet homme qui m'attristait tant par sa misère.

Quand je l'ai croisé cette semaine, j'ai tout de suite eu envie de lui dire "Mais voyons, qu'est-ce que tu fais encore là? Pas toi, tu n'es pas comme les autres, tu peux t'en sortir", comme si je croisais une vieille connaissance. Malheureusment, il avait vieilli, ses joues étaient creuses, il ne demandait plus, il tendait simplement sa vieille casquette.

Je me demande comment j'aurais pu lui venir en aide... je me demande si cela aurait fait une différence si je lui avais dit spontanément ce qu'il m'est passé par la tête... Malheureusement, je ne sais pas comment agir devant cette misère et je n'ai pas le courage de les aborder et de les aider directement.

Cela dit, j'ai aussi croisé une femme itinérante que j'ai reconnue également, pour un peu les mêmes raisons... je trouve ça si triste de les revoir après quatre ans... toutes ces années passées dans la misère sans que leur sort ne se soit amélioré, c'est affreux...

C'est affreux de voir comment la consommation et la misère se partagent un même espace et que nous devenions si habitués de croiser ces pauvres gens qu'on en vienne à les ignorer.

No comments:

Post a Comment